Et si on arrêtait de vouloir que nos enfants « obéissent »
- Audrey Ndjave
- 11 nov.
- 4 min de lecture

De l’obéissance à la coopération : un changement de paradigme
Pendant longtemps, on a mesuré la « réussite » d’un parent à la capacité de son enfant à obéir.Un enfant sage, c’était un enfant qui écoutait, qui disait “oui maman”, “oui papa”, et qui exécutait sans broncher.
Mais derrière cette idée d’obéissance se cache souvent une peur du conflit, un besoin de contrôle, ou encore la croyance que la “fermeté” suffit à éduquer.Or, un enfant qui obéit sans comprendre, sans sentir qu’il a le droit d’exister dans la relation, ne coopère pas : il se soumet.
Et la soumission n’enseigne ni le respect, ni la responsabilité, ni la conscience de soi.
Comprendre la différence entre obéissance et coopération
L’obéissance
Elle repose sur la peur de la conséquence (“si je ne le fais pas, je vais être puni ou fâcher papa/maman”).
L’enfant agit sous contrainte, sans intégration réelle du sens.
À court terme, c’est efficace.
À long terme, cela peut éteindre l’esprit critique, la confiance et la sécurité intérieure.
La coopération
Elle repose sur la confiance, la compréhension et le lien.
L’enfant agit avec le parent, pas contre lui.
Il sent que sa voix compte, que ses émotions sont valides.
Il apprend à réguler, à choisir, à contribuer.
La coopération ne s’impose pas : elle se construit dans la relation.
Ce que disent les neurosciences
Entre 0 et 7 ans, le cerveau de l’enfant est encore en construction émotionnelle et exécutive.Cela signifie qu’il n’a pas encore les circuits matures pour :
gérer la frustration,
inhiber ses impulsions,
se mettre à la place de l’autre,
et réguler ses émotions sans soutien externe.
Quand on exige de lui une “obéissance immédiate”, on lui demande d’utiliser des capacités qu’il n’a pas encore développées.Résultat : il s’effondre, il crie, il pleure, il s’oppose — pas par provocation, mais parce que son système nerveux est débordé.
Ce n’est pas un problème d’attitude, c’est un problème de maturation.
Changer de posture : passer du pouvoir sur à la guidance avec
Au lieu de chercher à faire obéir, cherchons à guider.Cela ne veut pas dire “laisser faire”.Cela veut dire accompagner avec autorité douce : une autorité qui rassure, qui explique, qui structure, sans écraser.
3 clés pour incarner cette posture :
Être le pilier, pas le contrôleur.→ L’enfant coopère quand il se sent en sécurité, pas quand il se sent menacé.
Nommer avant d’exiger.→ “Je vois que tu veux encore jouer, mais il est temps de se laver.”
Décoder avant de corriger.→ Derrière un “non”, il y a souvent un besoin : d’autonomie, de contrôle, de reconnaissance.
Les outils concrets pour cultiver la coopération
1. Reformuler au lieu d’ordonner
Au lieu de :
“Range tes jouets tout de suite !”Essaye :“On va ranger ensemble pour laisser la place au souper.”→ L’enfant devient acteur du cadre, pas spectateur du pouvoir.
2. Utiliser le langage de la responsabilité
Le “tu dois” ferme la relation.Le “tu peux”, “on va”, “je te propose” ouvre la coopération.
“Tu peux venir mettre la table avec moi, j’ai besoin de ton aide.”“On va choisir ensemble l’histoire du soir.”
C’est inclusif et valorisant.
3. Accueillir les émotions sans céder sur le cadre
“Je comprends que tu sois fâché. C’est normal de ne pas vouloir arrêter ton jeu. Et maintenant, on va ranger ensemble.”
Cela s’appelle la fermeté bienveillante :on accueille l’émotion mais on maintient la limite.L’enfant apprend qu’il peut ressentir tout, sans faire n’importe quoi.
4. Donner du sens à la règle
L’enfant a besoin de comprendre le pourquoi pour coopérer.
“On se lave les mains pour enlever les microbes et rester en santé.”“On parle doucement parce que les autres dorment.”
Chaque fois qu’on explique, on active le cortex préfrontal, la zone du raisonnement, et on évite d’enclencher le mode “lutte ou fuite”.
5. Offrir des choix limités
“Tu veux mettre ton pyjama bleu ou rouge ?”“Tu veux te brosser les dents avant ou après l’histoire ?”
Cela donne une impression de contrôle dans un cadre fixe.Et un enfant qui se sent choisi collabore naturellement.
6. Prévenir les transitions
Les crises viennent souvent des transitions imprévisibles.
“Dans 5 minutes, on va sortir du bain.”“C’est la dernière chanson avant de partir.”
Les transitions préparées permettent au cerveau d’anticiper, donc de coopérer.
7. Le parent modèle
L’enfant n’apprend pas par le discours, mais par l’imitation émotionnelle.Si le parent crie, le cerveau de l’enfant perçoit une menace et réagit.Si le parent garde le calme, l’enfant synchronise son système nerveux sur le sien.
Ce qu’on incarne vaut plus que ce qu’on impose.
8. Lâcher la peur du désordre et de la désobéissance
Un enfant qui s’oppose ne fait pas “mal”, il affirme son individualité.C’est sain, c’est nécessaire, et c’est temporaire.
Chaque “non” est une tentative de dire “moi aussi j’existe”.Notre rôle n’est pas d’éteindre cette voix, mais de la canaliser vers la relation et la coopération.
“Je comprends que tu veuilles décider. Je t’aide à le faire dans le cadre.”
Eduquer sans soumettre
Chercher l’obéissance, c’est vouloir que l’enfant entre dans notre cadre.Chercher la coopération, c’est agrandir le cadre pour l’y accueillir.
La coopération ne se décrète pas, elle se tisse.Jour après jour, regard après regard, mot après mot.
Ce n’est pas une méthode, c’est une posture :celle d’un parent qui ne cherche pas à être obéi, mais à être compris.Et c’est dans cette compréhension que naît la véritable autorité : celle du lien.
Phrase à retenir :
“Mon enfant ne me défie pas, il me montre comment il apprend à exister.”
Pour aller plus loin voici un livret + 2h de masteclass :
Et voici une video a regarder :



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